créer entreprise sociale
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Mettre en place une entreprise sociale revient à développer un modèle économique équilibré tout en poursuivant une mission à visée sociale ou environnementale. Ce type de projet implique d’articuler efficacité économique et engagement social à chaque étape, depuis la définition des objectifs jusqu’à l’évaluation des résultats. Entre démarches juridiques, structuration du financement, mode de gouvernance et communication ciblée, la mise en œuvre nécessite une organisation réfléchie, une capacité d’adaptation et une attitude responsable.

Comprendre l’entreprise sociale

L’entreprise sociale s’oriente vers une finalité d’intérêt général, en intégrant une logique économique pour soutenir ses activités. Elle s’insère dans la dynamique de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui regroupe des structures à vocation collective, dont l’activité économique est dirigée vers des objectifs sociétaux. Ces entités adoptent diverses formes juridiques : associations, coopératives, sociétés à but social, etc.

La notion d’économie sociale solidaire ESS repose sur trois caractéristiques principales :

  • Un objectif social ou environnemental inscrit explicitement dans les statuts.
  • Un mode de gouvernance s’appuyant sur la participation des parties prenantes.
  • Une utilisation des excédents qui privilégie le développement du projet à vocation sociale.

Il convient de différencier l’entreprise sociale du social business. Ce dernier, selon la vision de Muhammad K., prévoit que la totalité des bénéfices soit dédiée à la poursuite de la mission sociale, sans verser de dividendes. L’entreprise sociale solidaire, pour sa part, peut verser une fraction de ses bénéfices, en respectant un équilibre entre viabilité économique et engagement social.

L’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) permet à certaines structures de bénéficier d’une reconnaissance institutionnelle, sous réserve de remplir certains critères liés aux finalités, à la gouvernance et à la répartition des bénéfices. Ce dispositif améliore leur visibilité et peut faciliter l’accès à des formes spécifiques de financement.

L’entreprise sociale ne s’apparente pas uniquement à une initiative philanthropique. Elle adopte une forme hybride, combinant gestion économique structurée et volonté de transformation sociale. Ce modèle attire un nombre croissant d’entrepreneurs motivés par l’idée d’avoir une activité directement utile à la société tout en assurant la pérennité de leur organisation.

Étapes clés pour créer une entreprise sociale

La mise en place d’une entreprise sociale repose sur une succession d’étapes cohérentes, alliant observation du terrain, structuration financière, réflexion stratégique et dimension humaine :

Étude de marché et définition des objectifs d’impact

Tout projet de mise en place d’une entreprise sociale commence par l’identification d’un besoin social ou environnemental observé de manière concrète, souvent à l’échelle locale. L’analyse de marché permet de prendre du recul, d’évaluer l’existence effective de ce besoin, d’étudier les acteurs déjà engagés dans le domaine (y compris d’autres initiatives solidaires) et de juger la pertinence d’une réponse. Cela suppose :

  • Une consultation des publics concernés, des partenaires potentiels et des institutions locales.
  • Un travail de compréhension des besoins sociaux à couvrir ou des solutions à améliorer.
  • La formalisation d’indicateurs qui permettront d’évaluer l’utilité sociale ou environnementale de l’initiative.

Les objectifs doivent être décrits dans les grandes lignes du projet, en précisant les effets envisagés ainsi que les modalités d’évaluation à terme.

Élaboration d’un modèle économique solide

Une attention particulière est portée à la question de la soutenabilité économique. En effet, il est nécessaire d’assurer les ressources financières nécessaires pour pérenniser la mission. Le plan de développement inclut :

  • La création d’une proposition de valeur adaptée aux attentes identifiées.
  • La recherche de sources de revenus compatibles avec la mission (vente, partenariat, adhésion, etc.).
  • L’estimation des charges liées au fonctionnement et à la mission sociale.

Le bon fonctionnement d’une entreprise à portée sociale suppose un ajustement entre viabilité économique et accessibilité. Certaines initiatives adoptent une tarification différenciée ou des dispositifs d’inclusion pour élargir leur impact à différents publics.

Structuration du financement

Le financement est souvent un point délicat pour une entreprise relevant de l’ESS. Pour renforcer sa stabilité et limiter les risques, il est conseillé de combiner différentes ressources :

Source de financementObjectifCaractéristiques
Fonds propresLancer le projet et soutenir les premières étapesApports initiaux, campagnes participatives, épargne salariale solidaire
Subventions publiques ou privéesCouvrir certaines phases stratégiquesCollectivités locales, ministères, mécénat d’entreprise
Participants spécialisésAccompagner la croissance cibléeInvestissement solidaire, finance participative orientée impact
Revenus d’activitéAutonomiser l’organisation sur le long termeVentes, prestations, abonnements adossés à des objectifs sociaux

Mélanger ces options permet de mieux répartir les risques et de stabiliser l’activité. Le statut entreprise solidaire peut parfois ouvrir certaines portes en matière de soutiens financiers.

Le marketing à impact : fédérer une communauté

La communication porteuse de sens joue un rôle essentiel dans le développement d’une entreprise à finalité sociale. Il s’agit de formuler clairement ses motivations, ses actions et ses résultats auprès du public : clients, bénéficiaires, collectivités, partenaires et relais d’opinion.

Une démarche efficace peut notamment s’appuyer sur :

  • La clarté et la diffusion des objectifs ciblés et des résultats observés.
  • La reconnaissance du rôle actif des personnes impliquées dans la gouvernance et les actions de terrain.
  • L’engagement dans une démarche respectueuse de l’environnement et tournée vers l’innovation sociale.

« Lorsque nous avons démarré notre activité d’insertion par le travail, nous avons choisi de communiquer de manière directe, en mettant en lumière les histoires des personnes accompagnées et les transformations rendues possibles. Cela a permis de créer un lien fort avec notre environnement, d’impliquer de nouveaux appuis et de construire un modèle qui repose à la fois sur nos résultats et sur notre transparence. »

Mesurer l’impact social et environnemental

L’évaluation de l’impact constitue une démarche importante dans un projet à finalité sociale, tant pour rassurer les partenaires que pour piloter son évolution. Une méthodologie rigoureuse permet d’éviter les discours flous et d’appuyer ses résultats sur des faits mesurables.

Identification des critères d’analyse

Les outils doivent correspondre aux ambitions et aux actions réelles : nombre de personnes concernées, effets sociaux mesurables, évolution des pratiques, emploi, etc. Ces références sont généralement co-construites avec les parties concernées et intégrées dès les premiers temps du projet.

Suivi et évaluation

On peut mobiliser plusieurs dispositifs complémentaires :

  • Rapport annuel portant sur les actions à visée d’utilité collective.
  • Tableaux de suivi et d’analyse des évolutions sociales ou environnementales.
  • Référentiels extérieurs et certifications (ESUS, label B Corp, etc.).
  • Questionnaires et retours réguliers des parties concernées.

Le suivi de l’utilité sociale suppose d’intégrer régulièrement les retours du terrain. Une gouvernance ouverte aux contributions permet d’affiner l’analyse et d’adapter en continu les modes de fonctionnement.

Quelle est la différence entre entreprise sociale et entreprise à mission ?

L’entreprise sociale intègre dès le départ une finalité non marchande dans ses objectifs prioritaires.

L’entreprise à mission adopte une organisation plus standard, mais inscrit des objectifs sociaux et environnementaux dans sa stratégie globale. Elle n’exclut pas nécessairement la distribution de profits.

Comment analyser l’impact social ?

En fixant des critères précis et adaptés dès les premières étapes, en planifiant des moments d’évaluation partagés et en intégrant des éléments externes de vérification. Des dispositifs comme ESUS ou B Corp peuvent accompagner cette démarche.

Quels sont les obstacles récurrents ?

Un des enjeux récurrents est d’assurer la cohérence entre équilibre financier et dimension sociale. Il faut aussi anticiper la diversification des ressources, les tensions liées à la croissance de l’activité, et les évolutions de l’environnement institutionnel.

Comment rester cohérent dans sa communication ?

En évitant d’exagérer les résultats, en exposant les limites rencontrées, en sollicitant régulièrement les bénéficiaires et partenaires pour affiner les messages, et en collaborant avec des parties tierces pour objectiver les faits.

Lancer une organisation à visée sociale requiert une approche méthodique, combinant une vision d’intérêt général avec des choix économiques justifiés. L’enjeu principal réside dans la capacité à articuler intention sociale, stratégie de développement, financements variés et communication crédible. Cette démarche, exigeante mais cohérente avec les enjeux actuels, représente une option de plus en plus étudiée pour concevoir des structures alliant activité économique et transformation sociale ou environnementale.

Sources de l’article

  • https://www.economie.gouv.fr/entreprises/creer-une-entreprise/creation-dune-entreprise-de-leconomie-sociale-et-solidaire-mode
  • https://www.economie.gouv.fr/cedef/fiches-pratiques/creer-une-entreprise-solidaire-accompagnement-et-demarches